Marseille - la première capitale de la Résistance


1 Dorset Square, aujourd'hui adresse de l'Alliance Française de Londres, accueillit durant la Deuxième Guerre mondiale, une section du SOE. Au cours des recherches que nous avons entreprises sur le rôle joué par notre bâtiment pendant cette période, nous avons été surpris de découvrir qu'il existait des recoupements avec la Résistance à Marseille.

De nos jours, l’on n’associe pas spontanément Marseille avec la Résistance; en effet, celle-ci est plus communément liée à la ville de Lyon d’où opéraient Jean Moulin et les principaux réseaux. Allant dans ce sens, on ne trouve à Marseille ni musée commémoratif, ni mémorial en souvenir de cette période (seulement des noms de rues et des plaques commémoratives). Pourtant, dès l’été 1940, bien avant que le mot résistance lui-même ne soit utilisé, certaines personnes se livraient à Marseille à des activités de résistance.

« Ce beau commencement...la toute première résistance, bien avant que le mot n'ait apparu »

Victor Serge

Plus grande ville et surtout seul port encore en activité de la zone libre, Marseille attira une multitude de réfugiés qui commencèrent à converger dès mai 1940 - des Français venus de la zone occupée et d’Alsace-Lorraine, des soldats britanniques, des Belges, des Tchèques, des Polonais, des Italiens opposants au fascisme, des Allemands opposants au nazisme, des communistes et anarchistes espagnols. Parmi tous ces individus, se trouvaient de nombreux intellectuels et artistes et de nombreux Juifs. A cette population de déracinés, la plupart en transit, s’ajoutait également un grand nombre de repliés (de certaines administrations, de la presse, de stations de radio et aussi des troupes démobilisées). Affluant en masse à Marseille, ces nouveaux venus remplissaient les hôtels - dont certains allaient même jusqu’à louer leurs baignoires! - et les refuges clandestins. Le commerce maritime avec l’Empire et au-delà fonctionnait encore et la ville était devenue la porte de sortie de la France: porte encore ouverte sur Alger, Londres, l’Amérique… La porte vers la liberté pour certains, vers la reprise du combat pour d’autres.

Le Vieux-Port, Marseille


Filières d'évasion et hébergeurs

Bien qu’elles aient été plus humanitaires qu’idéologiques ou politiques, ce sont les filières d’évasion et l’aide aux réfugiés qui sont aujourd’hui considérées comme les premières activités de résistance s’étant déroulées à Marseille. A partir de la mi-août 1940, le journaliste américain VARIAN FRY et son comité de secours (aux activités tant officielles que clandestines) aidèrent dans leur fuite pour les Etats-Unis quelque 1 500 artistes et intellectuels, nombre d’entre eux Juifs, tels qu’André Breton, Claude Lévi-Strauss, Anna Seghers, Arthur Koestler, Marc Chagall et Max Ernst. Plusieurs consuls bienveillants (tchèque et mexicain notamment) signèrent des visas de complaisance, pour aider les réfugiés à constituer leur « dossier » de départ, une entreprise toute kafkaïenne.

Par ailleurs, Fry aida également à faire sortir clandestinement du pays près de 300 soldats britanniques en liaison avec le MI6. Devenu un individu gênant aux yeux du gouvernement de Vichy et du gouvernement américain, Fry fut expulsé de France un an plus tard. Néanmoins, son action fut poursuivie par certains de ses collègues, qui rejoignirent également des groupes résistants. Il aura fallu près de 50 ans pour que Varian Fry soit reconnu comme « héros de la résistance».


En plus d’une charge de travail importante due à ses consultations et visites médicales, un médecin marseillais essaya, en sa qualité d’officier chargé d’examiner les Juifs souhaitant immigrer aux Etats-Unis, d’en déclarer autant que possible « apte au départ » (il en examina plus de 2 000). Une autre de ses tâches, fut de déclarer « médicalement inapte » le plus possible de militaires britanniques internés au Fort Saint-Jean afin qu’ils soient rapatriés en Angleterre. Ainsi, il collaborait à la fois avec ceux qui aidaient les réfugiés à fuir vers les Etats-Unis qu’avec ceux qui organisaient des filières d’évasion vers l’Angleterre.

Cet homme s’appelait GEORGE RODOCANACHI. Citoyen britannique, né à Liverpool de parents grecs, il avait été naturalisé français et vivait à Marseille. Il soignait aussi des hommes cachés à la SEAMEN’S MISSION située au 46 rue de Forbin, près du Vieux-Port, par le pasteur presbytérien écossais DONALD CASKIE qui l’avait prise en charge en juillet 1940. C’est là que ce dernier accueillait et nourrissait des centaines de militaires rescapés (parmi lesquels l’officier James Langley, qui avait perdu un bras à Dunkerque, et devait par la suite intégrer le MI9) qu’il aidait à s’échapper via le réseau PAT (sur lequel nous allons revenir).


Après que la Mission ait été fermée par la Police, Rodocanachi accepta de loger clandestinement ces fugitifs dans son vaste appartement servant aussi de cabinet médical, au 21, rue Roux de Brignoles. Ceci dura de juin 1941 à février 1943, jusqu’à son arrestation (il mourut à Buchenwald un an plus tard). Sa femme nota que dans cet intervalle de temps, ils hébergèrent de 180 à 200 hommes (mais au moins 600 individus s’y virent donner vêtements et papiers), britanniques, polonais, belges, américains. Les Rodocanachi offraient à leurs invités secrets un home avec des points de repère et des rituels leur rappelant leur univers familier: tasses de thé Earl Grey et livres en anglais. Il va s’en dire qu’en ces temps difficiles, les repas étaient frugaux. Les règles de sécurité étaient peu nombreuses et très simples: par exemple, obligation de porter des chaussons et utilisation restreinte de la chasse d’eau afin d’éviter d’éveiller les soupçons des voisins

Homme d’affaires anglophile et notable marseillais, LOUIS NOUVEAU, s’impliqua lui aussi dans le réseau PAT. Il commença par recevoir chez lui des officiers britanniques en décembre 1940, organisant en quelque sorte un salon hebdomadaire. Rapidement, il leur prêta de l’argent et se chargea de trouver d’autres soutiens financiers. A partir de mai 1941, son grand appartement du 28A quai de Rive-Neuve devint un refuge pour les aviateurs de plus en plus nombreux à avoir été abattus qui allaient y attendre d’être réacheminés en Angleterre. Son fils de 19 ans, Jean-Louis, venait lui-même d’emprunter cette filière pour rejoindre les rangs de la France Libre (au sein de laquelle il combattit avec courage et fut nommé « Compagnon de la Libération »). Un soir de septembre 1941, Nouveau hébergea chez lui jusqu’à 16 aviateurs, la plupart britanniques.

Tout au long de cette période, il nota le nom de ses visiteurs clandestins le long de la marge intérieure d’un volume des œuvres complètes de Voltaire; 156 noms y apparaissent dont ceux de Virginia Hall (par la suite membre du SOE et du OSS), Airey Neave (évadé de Colditz et qui deviendra plus tard membre du Parlement et Shadow Secretary pour l’Irlande du Nord), André Simon (fils d’un des bienfaiteurs de l’Alliance Française de Londres et futur agent F) ou encore le fils du célèbre Général d’Astier de la Vigerie. Quant à Nouveau il effectua près de 50 voyages dans les deux zones pour le compte du réseau PAT.

Rodocanachi et Nouveau faisaient partie du cercle restreint mais combien précieux de résistants locaux qui aidaient les comités de secours et les filières d’évasion. Ainsi, le réseau PAT LINE, premier et surtout plus efficace réseau d’évasion mis en place sur le territoire, établit son quartier général dans l’appartement du Dr Rodocanachi (ce que même Nouveau ignorait). Monté par le capitaine IAN GARROW, ce réseau tient son nom d’Albert-Marie Guérisse, médecin belge mais se faisant passer pour un canadien francophone, embauché par le SOE sous le nom de guerre de PAT O’LEARY, qui le dirigea pendant deux ans. En collaboration avec le MI6, MI9 et le SOE à Londres, le réseau permit de faire sortir clandestinement du pays des centaines de militaires et d’agents alliés (des « colis ») et d’organiser leur convoyage jusqu’en Angleterre via les calanques de Cassis en bateau ou les Pyrénées pour rejoindre Gibraltar.

Aujourd’hui, de cette filière d’évasion on se souvient surtout de NANCY WAKE, « la plus grande héroïne du SOE », décédée à Londres en 2011. C’est par une rencontre fortuite au bar de l’Hôtel du Louvre qu’elle entra au service de Garrow en tant que messagère. Son mari, l’entrepreneur fortuné et bon vivant HENRI FIOCCA, avait établi, tout comme Nouveau, de nombreux liens commerciaux avec la Grande-Bretagne ce qui en faisait un des rares anglophiles de la ville. Il mit à la disposition du réseau sa fortune et son vaste appartement, puis un autre qu’il acheta pour sa femme ; ces hâvres de bon temps virent passer non seulement bon nombre d’officiers britanniques assignés à résidence au Fort Saint-Jean mais également des fugitifs et évadés. Leur chalet dans les Alpes fut également mis à contribution et Nancy, surnommée alors « l’Australienne de Marseille » et son mari jouèrent parfois les rôles de messagers et convoyeurs.

Lorsque le sud de la France fut occupé lui aussi, la Gestapo découvrit l’existence d’un agent tout aussi gênant qu’insaisissable qu’elle surnomma « la souris blanche ». Lorsque le réseau fut dénoncé, Nancy fuit Marseille. Fiocca, qui avait décidé de rester, fut bientôt capturé, torturé et finalement exécuté en octobre 1943. Nancy, alors ignorante de la mort de son mari, réussit finalement après maintes péripéties à rejoindre Londres en compagnie notamment de DANIELLE REDDE. A leur arrivée à Londres, les deux femmes rejoignirent le SOE et suivirent un entrainement pour retourner derrière les lignes ennemies. Danielle, prise en charge par la section RF, fut parachutée en février 1944 comme opérateur radio, et Nancy le fut deux mois plus tard, chargée d’assister John Farmer à la tête du réseau FREELANCE, du ressort de la section F.

De retour à Marseille, Nancy rencontra LOUIS BURDET avec qui elle se lia d’amitié. L’histoire de Burdet, comme tant d’autres, est racontée dans le livre RF IS FOR REAL FRIENDS à paraitre prochainement. Sous le pseudonyme de CIRCONFERENCE et accompagné de sa messagère BINETTE, Burdet fut envoyé dans le midi par le BCRA et RF en tant que représentant militaire de la France Libre à Marseille et dans sa région. Dans le civil, il était le manager du Hyde Park Hotel et après la guerre celui du Stafford Hotel, deux grands établissements de Londres. Il eut un rôle prépondérant dans la mise en place de la plaque commémorative sur la façade d’Alliance House.


L'appel aux armes

Originaire de Marseille, l’amiral MUSELIER quitta la ville le 23 juin 1940 à bord d’un charbonnier britannique à destination de Gibraltar et de là rejoignit Londres. Muselier, chargé du commandement des forces navales de la France Libre, donna à celle-ci son emblème, la croix de Lorraine, avant de se brouiller avec le général de Gaulle. L’Alliance Française de Londres co-organisa le discours qu’il fit au Westminster Hall le 1er mai 1941.

C’est l’arrivée à Marseille du capitaine HENRI FRENAY en juillet 1940 qui marque traditionnellement le début réel de la Résistance dans la ville et la région. Il exposa sa vision des choses dans un manifeste et fonda le MLN, le Mouvement de Libération Nationale, qu’il fusionna l’année suivante avec un autre groupe pour créer Combat. Il recruta des hommes et des femmes prêts à résister, établit la liaison avec Londres et collabora avec le réseau de renseignements polonais F2. C’est au 67, rue de Rome, dans la maison d’un médecin marseillais, qu’il se cacha. C’est là qu’il organisa des réunions et surtout qu’eut lieu sa première rencontre avec Jean Moulin, qui se conclut par un verre de pastis bien frais.

Du début de 1941 et pendant 6 mois, JEAN MOULIN s’installa à Marseille. Il prit ses quartiers à l’Hôtel Moderne, en bas de la Canebière, et noua des contacts avec Frenay, Combat et autres réseaux émergents. Depuis l’été 1940, la ville portuaire était en effet devenue le point de ralliement de ceux qui allaient bientôt être les grands personnages de la Résistance. C’est sur la base de ces rencontres que Moulin entreprit de convaincre de Gaulle, qu’il alla voir à Londres, de l’importance et du soutien à accorder à la résistance intérieure. Moulin fut le trait d’union entre les Français Libres de Londres et la résistance dans le sud de la France. Il retourna en France, parachuté au pied des Alpilles en janvier 1942, avec pour mission d’unifier les groupes de résistance au nom du général de Gaulle.

C’est à Marseille que le capitaine PIERRE FOURCAUD, envoyé du BCRA par la section RF, constitua un réseau appelé « Fleurs » en référence à Léon Blum, marquant ainsi l’orientation politique socialiste du groupe. GASTON DEFFERRE, jeune avocat, notamment au service des réfugiés de Fry et de Garrow, le rencontra à son cabinet, en train d’envoyer des messages radio à Londres avec son opérateur. Deferre rejoignit le réseau, rebaptisé un peu plus tard BRUTUS, et en devint le leader. Il sera plus tard le maire de Marseille, sur laquelle il régna pendant plus de 33 ans, jusqu’à sa mort en 1986 (il occupa aussi plusieurs postes ministériels). Son rôle dans la Résistance marqua la carrière politique qu’il allait mener, tout autant qu’il marqua lui-même profondément le Marseille d’après-guerre et au-delà.

Tout comme le réseau PAT et le réseau de renseignements polonais F2, d’autres réseaux fonctionnaient en liaison avec les services secrets britanniques: le réseau CARTE, basé un temps à Marseille puis à Arles, et bien connu en Grande-Bretagne grâce à son agent très célèbre, Odette; et le réseau ALLIANCE qui pendant un temps fut dirigé depuis Marseille par Marie-Madeleine Méric, (surnommée « le hérisson »), qui était originaire de la ville.

Dans cette ville de tous les départs, on trouve également la philosophe, activiste et mystique SIMONE WEIL, qui résida pendant 20 mois avec ses parents au 8 rue des Catalans dans un appartement face à la mer. Elle participa aux premières activités de résistance (rédaction et diffusion d’un bulletin clandestin, aide aux internés…) avant de partir pour New York en mai 1942, puis de rejoindre sa destination finale, Londres, où elle arriva en novembre. Là, elle travailla pour la France Libre et tenta sans succès d’être recrutée par le BCRA et formée par RF en vue d’une mission spéciale en France. Sa santé fragile, aggravée par son ascétisme, la conduisit dans un sanatorium à Ashford où elle mourut en août 1943 à l’âge de 34 ans.

En 1939, l’écrivain JEAN GIONO, originaire de Manosque en Provence, fut incarcéré pendant deux mois au Fort Saint-Nicolas pour avoir signé des tracts pacifistes. Plus près de nous et d’Alliance House, un agent de la section RF y passa également deux mois à la fin de l’année 1941, avant de s’en évader de façon spectaculaire: ERNEST « Charles » GIMPEL, travaillait avec son père et son frère pour le réseau F2 depuis l’été 1940 ainsi que pour le premier réseau de résistance marseillais, la petite entreprise AZUR TRANSPORTS, située au numéro 40 de la rue Saint-Basile, en haut de la Canebière. Après son évasion, « Charles » rejoignit Londres où il reçut au 1 Dorset Square les instructions pour une nouvelle mission périlleuse dans la France occupée. On pourra lire le récit de ses exploits et comment il rencontra sa femme Kay dans RF IS FO REAL FRIENDS.

Après le débarquement des Alliés en Afrique du Nord, les forces armées allemande et italienne envahirent Marseille et la Provence dans la nuit du 11 novembre 1942. Ce fut la fin de la « Zone Libre », rebaptisée dès lors « Zone Sud ». Les réseaux humanitaires et filières d’évasion furent sévèrement touchés et les vagues d’arrestations conduisirent au démantèlement de certains d’entre eux. Il leur fallut s’adapter à cette nouvelle donne, se transformer, s’unir… Comme mentionné plus haut, Moulin coordonna la fusion entre Combat, Libération, Franc-Tireur en un seul groupe, les MUR (Mouvements Unis de la Résistance). La suite, bien connue, relève de l’Histoire.

« Si Lyon était la capitale de la résistance, Marseille en a été le berceau »


À lire:

  • Robert Mencherini, Midi Rouge, Tome 3: Résistance et Occupation 1940-1944
  • Helen Long, Safe Houses are Dangerous
  • Mary-Jayne Gold, Marseille Année 40
  • Anna Seghers, Transit
  • www.resistancemarseillaise-r2.fr
  • www.varianfry.org
  • http://jeancontrucci.free.fr/html/8_rue_merentie.php

Livre à paraitre

« RF IS FOR REAL FRIENDS » sort de l’ombre la section RF du SOE qui opérait depuis 1 Dorset Square, où est aujourd’hui l’Alliance Française de Londres. Le bâtiment connu aujourd’hui sous le nom d’Alliance House, était alors surnommé « Spy Corner» et il accueillit des personnages d’exception. Certains ont été mentionnés plus haut, et le livre en dit plus sur Burdet, BINETTE, Reddé et Gimpel. Le Lt-Colonel Yeo-Thomas est l’agent RF le plus connu mais « OBT », dont la mère était de Marseille, travaillait aussi pour RF avant sa propre mission dans le maquis. Seeds, le premier instructeur de la section, avait passé 8 mois à Marseille avec la BEF. Bon nombre de maquisards méridionaux furent briefés et debriefés à Dorset Square dans le cadre de leur mission.



CAFÉ CULTURE

Les bars du Vieux-Port offraient une vue imprenable sur la mer et ainsi un espoir de départ pour ces exilés qui restaient attablés pendant des heures des jours de suite. A l’affut de la moindre nouvelle concernant les bateaux et les déplacements de la police, ils regardaient nerveusement les dates d’expiration de leurs permis de séjour, visas et autres papiers de transit. André Breton et ses camarades surréalistes jouaient au cadavre exquis et dessinèrent leur propre jeu de tarot de Marseille au café « Au brûleur de loups », dont le nom les inspirait et qui était pour eux comme un nouveau « Café de Flore ». Anna Seghers et d’autres avaient élu domicile au «Mont-Ventoux ». Il est à noter que les communistes et les surréalistes aux tendances d’extrême-gauche ne se mélangeaient pas! Nancy Wake, quant à elle, aimait diner chez «Basso», également lieu de rendez-vous de Garrow et ses amis à l’heure de l’apéritif. Mary Jayne Gold et Miriam Davenport, qui aidaient Varian Fry, se retrouvaient l’après-midi au bar « Le Pélican », à côté du consulat américain. Les pilotes abattus surent rapidement que le bar « Le Petit Poucet », boulevard Dugommier, était l’endroit où l’on viendrait les chercher. Les agents de la France Libre et des services secrets britanniques se rencontraient dans l’arrière-salle du « Sans-pareil » sur la Canebière.

Là, ils buvaient du pastis, du vin, de l’ersatz de café et utilisaient des coupons de rationnement alimentaire pour s’acheter une part de pizza.


Vieux-Port (Quai des Belges): coin gauche de la Canebière, compagnie maritime; coin droit, côte-à-côte: le Mont-Ventoux, Au Brûleur de Loups, le Cintra. Basso est au coin du bâtiment d’après (pas sur la photo)



Peine capitale

On trouve une large plaque commémorative au 8 de la rue Merentié dans le 5ème arrondissement de Marseille en l’honneur de trois membres du réseau Buckmaster du SOE. L’une d’entre eux, ELIANE PLEWMAN née Browne, était une belle et exubérante jeune anglaise, née et élevée à Marseille où elle revint en août 1943 en tant que messagère pour le réseau MONK, dirigé par Charles Skepper et dont l’opérateur radio était Arthur Steele.

Le réseau fut dénoncé et ils furent tous trois arrêtés en mars 1944. Après 3 semaines d’interrogatoire mené par la Gestapo au 425, rue Paradis, on les emprisonna près de Paris. Le 13 mai, Eliane et sept autres femmes appartenant au SOE, dont Odette, furent déportées à Dachau; elle y fut exécutée en septembre. Skepper et Steele moururent à Buchenwald.

BERTHIE ALBRECHT née Wild, appartenait à la bourgeoisie protestante de Marseille. Après des études à Marseille et à Lausanne, elle devint infirmière pendant la Première Guerre mondiale et épousa ensuite un banquier néerlandais. En 1933, alors qu’elle était mère de deux enfants, Frédéric et Mireille, elle lança une revue féministe, « Le problème sexuel », en faveur des droits à la contraception et à l’avortement. Dans le même temps, elle devint assistance sociale dans une usine et abrita à Sainte-Maxime des rescapés des persécutions nazies et des républicains espagnols.

Amie avec Frenay en dépit de leurs divergences politiques, c’est ensemble qu’ils imprimèrent des bulletins clandestins et qu’ensuite ils fondèrent Combat. Résistante très active à Lyon, elle fut arrêtée à deux reprises par la police de Vichy en 1942, puis une 3ème fois en mars 1943, par la Gestapo. Torturée à Lyon, et craignant de trop parler, elle se pendit le soir même de son arrivée à la prison de Fresnes.

Parmi les 1 038 « Compagnons de la Libération », elle est l’une des 6 femmes honorées ainsi par de Gaulle et l’une des 16 résistants enterrés au mémorial du Mont-Valérien.


Témoin


Nancy Wake arriva pour la première fois à Marseille en octobre 1934 en tant que journaliste chargée de couvrir la visite du roi Alexandre de Yougoslavie (royaume formé après la 1ère guerre mondiale) et fut ainsi le témoin de son assassinat et de celui du ministre des Affaires Etrangères français commis par un nationaliste.

Cliquez ici pour voir une vidéo de cet assassinat, le premier à avoir été capturé par une caméra. On peut y voir à deux reprises le bar du Mont-Ventoux. Ces images d’actualité, montrées dans les salles de cinéma, suscitèrent beaucoup d’émoi.

Cette plaque commémorative fut le lieu de la première manifestation publique d’hostilité à l’encontre des nazis. Elle fut ornée de fleurs les 28 et 29 mars 1941 pour applaudir le courage des Yougoslaves qui leur résistaient. On chanta la Marseillaise, on lança des bouquets depuis les tramways, on défila devant la plaque… Puis, les fleuristes furent forcés de fermer leurs boutiques et la foule fut dispersée.

Radio Londres (à la BBC) commenta le 2e soir: « Français! Vive Marseille! Dix mille Français ont manifesté sur la Canebière […] Ah comme ça devait être bon à Marseille de chanter La Marseillaise! Aujourd’hui sans armes vous formiez vos bataillons! »


Glossaire de guerre / war words:

La drôle de guerre; l’exode; la débâcle; la ligne de démarcation; la zone nono, la zone ya ya(la zone non-occupée, la zone occupée); les démobilisés; les repliés; les transitaires; un réfractaire; un passeur; une filière d’évasion; un paquet; un ersatz, un succédané; le café national; un gazogène; un indic’, un mouchard; un prestataire; apatride; un camp d’internement; un permis de séjour, un sauf-conduit, un visa de sortie, un visa de transit; la bataille de murs; la défense passive; les doryphores; entrer dans la clandestinité; brûlé; un pianiste …


Photos: © CH 2013, sauf réfugiés devant le consulat américain © Varian Fry Institute

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